Texte mis en forme par Jean-Pierre Auger
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Musique de fond

de nombreux passages sont des textes
de Mr Bony ou Mde Delpech du CERN

remerciements à M. Paul Thueux,
car nos questions lui ont fait
revivre cet enfer.

remerciements à Mr Dubreuil,
pour son aide et son soutien.

Merci de me signaler toute erreur
en m'écrivant à: augerjp61@wanadoo.fr

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RACONTES-NOUS RACONTES-NOUS

Photo de Jean-Paul Soutumier

JEAN-PAUL SOUTUMIER JEAN-PAUL SOUTUMIER
(Croix de guerre avec palme, Médaille de la Résistance, Médaille des Evadés)

UN BESSANCOURTOIS MORT POUR LA FRANCE


TROP JEUNE POUR ÊTRE UN HÉROS DANS SON VILLAGE





POURQUOI VOUS PARLER DE JEAN-PAUL SOUTUMIER ?

Jean-Paul Soutumier était un ami d’enfance de notre père, Maurice Auger. A cette époque ses parents, Georges Auger et sa seconde épouse Lucie Delhomme ainsi que leurs quatre enfants, se sont installés au 5 rue des Gaudelaines à Bessancourt, à quelques dizaines de mètres de la rue du Château où habitait la famille Soutumier. Bessancourt n’est qu’un petit village agricole situé au Nord de la région parisienne, à 25 km à vol d’oiseau de Paris Notre Dame, entre les deux villes d’Enghien les Bains et de Pontoise. Les deux habitations étaient séparées par leurs jardins et les enfants pouvaient se voir et s’interpeller d’une maison à l’autre. On peut penser que comme tous les gamins du village ils ont joué ensemble et s’amusaient dans les chemins et les rues. La circulation automobile était quasi-inexistante, seuls des tombereaux attelés de chevaux de trait et des bicyclettes circulaient sur les chaussées cailloutées ou en pavés de granit pour les rues de la gare, de l’église, de Paris et de la République. La forêt et la plaine de Pierrelaye étaient sûrement leur terrain de jeu, comme ils furent les nôtres quand nous étions gamins. Ils ont tous deux fréquentés l’école communale, bâtiment et cour des garçons car la mixité n’avait pas encore cours. Rien ne prédisposait Jean-Paul Soutumier à devenir un résistant de la première heure, un héros de la Résistance. C’est en souvenir de son ami disparu trop tôt que notre père prénomma Jean-Paul, son fils aîné. Il ne savait pas encore qu’il aurait des jumeaux. Il l’apprit un quart d’heure plus tard et ce n’est pas sans humour qu’il prénomma Jean-Pierre son fils cadet, de manière à ce que les deux garçons aient les mêmes initiales. Les quelques fois ou nous avons demandé à notre père qui était Jean-Paul Soutumier, il nous répondait que c’était l’un de ses camarades d’enfance, qu’il avait été tué pendant la guerre par les allemands. Il n’a jamais rien voulu nous dire sur ce garçon, éludant toutes nos questions. Il fallut qu’un jour, sur le monument aux morts qui jouxte le cimetière, sur la gauche de l’entrée principale, un nom soit ajouté, tout en bas, gravé dans la pierre, dorure neuve jurant avec celles des autres noms : Jean-Paul Soutumier

Monument aux morts de Bessancourt
Monument aux morts de Bessancourt

Ce ne pouvait être qu’une erreur, Jean-Paul Soutumier n’avait rien à voir avec les morts pour la Patrie des guerres mondiales. Mais qui était donc ce Jean-Paul Soutumier? Il nous a fallu plusieurs dizaines d’années pour trouver la réponse. Rien, personne dans le pays ne savait rien. Et ceux qui avaient l’âge de savoir ne voulaient pas nous en parler. C’est cette recherche, cette découverte que nous allons vous raconter ici, pour nos enfants, petits enfants et pour les enfants de nos petits-enfants. Qu’ils n’oublient rien de cette période noire vécue par un bessancourtois.


L’ENFANCE DE JEAN-PAUL SOUTUMIER


Jean-paul Soutumier est né le 23 juin 1921 à Paris, dans le quatorzième arrondissement. C’est un enfant de constitution fragile et il n’arrive pas à se remettre d’un banal accident. Les médecins l’envoient se fortifier au bon air du bord de mer, à l’hôpital de Berck, dans le nord de la France. Il en revint soit disant guéri, mais avec des séquelles énormes, l’astreignant à vivre avec un corset et ne pouvant se déplacer qu’avec une canne.

Voici ce qu’écrit, via le service documentation de la Mairie de Pontoise, Monsieur Jean Anthiaume, ancien résistant: «Sa vie fut une lutte continuelle, quand un accident bénin en apparence, l’oblige à un long séjour à Berck. Puis, c’est la guerre à laquelle il assiste impuissant et à la défaite qu’il n’accepte pas et qu’il partage avec d’autres camarades aux noms désormais célèbres du groupe de Jean-Claude Chabanne. Le reste vous le savez: c’est d’abord l’arrestation un matin de décembre 1941 et le jugement du 16 janvier 1942. Le tribunal militaire allemand accepte la thèse de la défense: Jean-Paul Soutumier n’a pas fait de sa maison, comme le prétendait l’accusation, un quartier général de conspirateurs. Il a simplement reçu chez lui des camarades qui, durant sa maladie, avaient pris l’habitude de s’y rendre. Acquitté, mais sans égard pour une santé relative qu’il vient à peine de retrouver, il est maintenu à la prison de Fresnes. Puis c’est la déportation en Allemagne le 19 novembre 1942. Il est décédé là-bas, loin des siens et de ses parents, mais il a eu la consolation de savoir que son sacrifice n’a pas été inutile».

Nous avons retrouvé quelques photos anciennes qui donnent une idée de la vie des malades à l’hôpital de Berck. Jean-Paul Soutumier, enfant, doit supporter, en plus, la souffrance et la séparation d’avec sa famille. Les anciens malades confient cependant que la nourriture est correcte et que les enfants reviennent chez eux plus gros qu’ils n’y sont partis.

Le dortoir des garçons           La cure d’air marin
Le dortoir des garçons                                   La cure d’air marin

Tout cela n’empêche pas Jean-Paul Soutumier de continuer ses études. Il entre même à la Faculté de Droit de Paris et quitte momentanément Bessancourt pour s’établir à Pontoise, au 8 rue Petit de Coupray, où son père lui loue un petit appartement pour qu’il puisse se rendre plus facilement à ses cours par le train jusqu’à la gare Saint-Lazare, car il se déplace difficilement, marche peu et toujours avec une canne.


LES ETUDES, LES COPAINS


Les troupes allemandes en mai 1940, envahissent la France. Le maréchal Pétain, chef du gouvernement, signe l’armistice en juin 1940 à Rethondes et engage la France dans la voie de la collaboration avec l’envahisseur. Mais une minorité de français ne peut se résoudre à accepter l’occupation de leur pays. Parmi ces résistants figurent de nombreux jeunes, âgés de 15 ans à 25 ans. Certains considèrent que la défaite ne peut être définitive, d’autres refusent l’aliénation à l’idéologie fasciste nazie. Presque tous rejettent la perte de leur liberté et la répression des gendarmes et des policiers français, aux ordres des fonctionnaires du gouvernement de Vichy et des militaires allemands. Un vent de fronde souffle au quartier Latin et dans les lycées. Depuis la réouverture de la Sorbonne, les étudiants s’exercent aux lancers d’œufs pourris, aux inscriptions murales diffamatoires et à la diffusion de tracts laissés dans les livres ou les fichiers des bibliothèques. De petits groupes manifestent contre la présence allemande dans les universités ou dénoncent la propagande de Vichy contre l’esprit critique et scientifique, l’humanisme et la laïcité. L'enseignement de quelques professeurs contribue à transmettre ces valeurs frondeuses et clandestines. Certaines organisations étudiantes restent cependant légales ou tolérées: Corporation de Lettres ou de Droit, Union Nationale des Étudiants, etc… Elles deviennent un foyer de rencontre pour tous ces étudiants révoltés.

C’est à la faculté de droit de Paris que Jean-Paul Soutumier rencontre Jean-Claude Chabanne, qui y étudie également. Jean-Claude habite Pontoise comme lui. Dans ce train, ils voyagent avec Pierre Butin et René Gaudinat qui font leurs études de médecine à Paris, Jacques Martineau qui est étudiant à l’école des Sciences Politiques et qui habite chez ses parents au 33 Boulevard d’Ennery. Ils y rencontrent également Paul Thueux, qui habite Saint Ouen l’Aumône et qui suit des cours d’ingénieur à l’Ecole d’Electricité Industrielle de Paris (école Charliat) tout comme notre père, Maurice Auger (une génération plus tard, cette école verra aussi nos fonds de culottes comme quelques années plus tard celui de notre cousin Christian Auger). Tous sont patriotes et se refusent d’admettre que l’occupation allemande est définitive. Il faut faire quelque chose! Agir, mais comment ?



Fronton de l’atelier de l’EEIP                          La cour de l’EEIP
                Fronton de l’atelier de l’EEIP, passage Duhesme à Paris                                       La cour de l’EEIP

Formé à l’école du scoutisme par André Halotier le responsable des scouts de Pontoise, Jean-Claude Chabanne crée la section pontoisienne du mouvement de la Jeunesse de l'Empire français, association officielle placée sous le haut patronage du Président de la République Albert Lebrun. Nos jeunes compères ne peuvent rester insensibles à la détresse des populations Belges et des habitants du Nord de la France qui fuient les zones de combat et se rabattent sur la ville de Pontoise un dénuement quasi total. Jean-Claude Chabanne,mobilise son groupe de copains et regroupe les réfugiés dans le stade. Ils vont chercher auprès de leurs familles et de leurs connaissances, de la nourriture et des couvertures pour aider ces pauvres gens. Vers le 5-6 juin, la municipalité jusqu’alors passive, apprend l’activité de ces jeunes gens et jeunes filles. Vexée, elle ordonne aux pompiers de les chasser et prend le relais sans le moindre remerciement. Qu’importe, ils ont la satisfaction d’avoir fait leur devoir.


Bientôt, c’est à leur tour de subir les affres de la guerre. Les 6 et 7 juin 1940, Pontoise est bombardée et la ville est évacuée. Tous partent avec leurs parents se réfugier en province. Ils reviennent chez eux aprè:s l’alerte dans le courant du mois de juillet. La vie reprend difficilement son cour, car les allemands réquisitionnent et occupent une partie des maisons bourgeoises de Pontoise et de Saint Ouen l’Aumône. Parfois ce sont celles de nos jeunes gens. Voir l’ennemi couché dans son propre lit, c’est intolérable. Les copains de retour se retrouvent dans leur quartier général, le bistrot «Chez Simon», près de la gare de Pontoise: «Nous avons déboulé dans ce bistrot pour savoir quels étaient les copains qui étaient revenus et quelles avaient été leurs aventures. Chabanne nous a alors parlé du général de Gaulle qu’il avait entendu à la radio, mais il n’avait pas retenu son nom. Il se rappelait que ce général, réfugié en Angleterre, avait dit que la guerre n’était pas finie et qu’il fallait continuer à se battre... Nous avons décidé nous aussi d’être Gaullistes» témoigne Paul Thueux.


LA VIE SOUS L’OCCUPATION ALLEMANDE

Pontoise est sens dessus dessous: des abris anti-aériens ont été creusés dans les jardins de la ville pour se protéger des bombardements. Le pont détruit par le Génie français sera remplacé par un pont de bois le 15 septembre 1940. Les bombes allemandes ont fait disparaître l’hôpital de l’Hôtel-Dieu. Les troupes allemandes se sont installées dans la caserne Bossut, abandonnée par le premier régiment de dragons. Pontoise vit comme toute la France à l'heure des restrictions et du couvre-feu à 22 heures. La presse est soumise, la censure omniprésente tout comme la suspicion et les rues résonnent du bruit de pas des troupes allemandes. La seule pénurie notoire concerne l’essence: 300.000 litres mensuels alloués alors que la consommation normale est de 12 millions de litres. Les rapports avec l’occupant sont corrects.


Mais les rigueurs de l’occupation ne tardent pas à se faire sentir. La France défaite et désorganisée est exsangue. En octobre 1940, à l’entrée de l’hiver, la pénurie s’installe et inquiète des habitants. Des pillages ont lieu à Dampierre, St Forget, Guiry et Magny en Vexin. La main d’œuvre est rare car plus d’un million d’hommes sont retenus prisonniers en Allemagne. Les réquisitions de matières premières comme le charbon, la nourriture, les céréales sont tellement importantes que le 20 octobre 1940 le rationnement est instauré. Les vivres manquent. Tout est rationné. L’année 1941 commence avec 2 mesures sévères, en janvier interdiction de vendre du café et rationnement du charbon, ensuite en février par celui des textiles, puis en mars des couches et des langes. Mais le plus difficile à supporter est le rationnement de la nourriture. Cela ira de mal en pis. Le climat s’en mêle et l’hiver 1941-1942 est particulièrement rude: l’Oise est entièrement gelée.


La photo ci-dessous représente toute la nourriture attribuée pour 24 heures à un adulte, avec, à gauche de l’image, les suppléments octroyés à un J3, jeune âgé de treize à vingt et un ans. En septembre de la même année la portion de viande est ramenée à 45 grammes par semaine.



Ration journalière.gif


LES MANIFESTATIONS

Deux événements concomitants vont libérer brusquement l’énergie latente de la révolte étudiante à Paris : L’arrestation le 30 octobre 1940 du professeur Langevin, physicien de renom international et fondateur en 1934 du Comité de vigilance des intellectuels antifascistes. Des étudiants et des universitaires de toutes tendances, groupés dans un Comité de défense, appellent à manifester le 8 novembre à 16 heures au Collège de France, contre l’arrestation et l’emprisonnement du savant. Des automitrailleuses allemandes y prennent position et appuient les forces de police françaises qui se déploient. Cette première manifestation organisée se déroule dans le silence. Paul Langevin ne sera pas libéré, mais la manifestation représente un succès. L’Université française a montré qu'elle n'était pas muselée.


En même temps, la rumeur court: malgré son interdiction, une manifestation va avoir lieu le 11 novembre, vers 17 heures 30, aux Champs-Élysées, il faut y aller! Rien de surprenant à ce que l’anniversaire de l’Armistice de 14-18 ait mobilisé nos jeunes et que, malgré le danger encouru, ils aient voulu rappeler aux allemands leur défaite, 22 ans auparavant. A partir de 16 heures, à la sortie des cours, ils commencèrent à confluer vers les Champs-Élysées, à pied, en métro, seuls ou en groupes constitués; une majorité de jeunes, mais aussi des enseignants, des parents d’élèves et des anciens combattants. Ils seront de 500 à 1.000 personnes, selon les allemands; de 3.000 à 10.000 selon d’autres témoins. Des bouquets seront déposés sur la tombe du soldat inconnu fleurie déjà depuis le matin par le réseau de résistance du Musée de l’Homme. Ca et là, la Marseillaise ou le Chant du Départ éclatent. On entend «Vive la France», «À bas Pétain», «À bas Hitler». Certains arborent des rubans tricolores, quelques-uns brandissent deux cannes à pêche en criant «Vive de Gaulle». Les allemands arrivent, les mitrailleuses sont mises en batterie sur la chaussée. Ils matraquent et chassent les manifestants à coups de crosse de fusil. La répression est violente. Le nombre des blessés est inconnu. On dénombre plus de cent arrestations.


L'Université est fermée. Toute la journée de ce 11 novembre, des grèves importantes paralysent les bassins miniers du Nord et du Pas-de-Calais, à Rouen, à Dijon, à Nantes. Enfin, coïncidence plus que symbolique, Vichy révoquera ce même jour le préfet républicain Jean Moulin.


Manifestation du 11 novembre 1940
Manifestation du 11 novembre 1940

Pour nos jeunes Pontoisiens, cette journée du 11 novembre est une révélation. Pour Jean-Paul, Jean-Claude, Jacques, Lucien, Pierre, Edgard, Eric, Paul, René, Maurice, c’est le tournant. La vingtaine de copains frondeurs, voient non seulement que leur sentiment de révolte est partagé par d’autres, mais que le temps de montrer ouvertement cette révolte à l’envahisseur est arrivé.


Le poids des antécédents parentaux pour certains est oppressant. Eric de Martimprey qui est issu d’une famille de militaires illustres et se destine lui aussi à cette carrière, Jean-Claude Chabanne dont la conduite héroïque du père lui a valu la légion d’honneur et onze citations. Il faut se montrer digne d’eux. Oui, il faut agir contre l’oppression, mais comment? Avec de tels antécédents familiaux, est-il possible de se taire quand on a 19 ans?


ARMES, MUNITIONS ET RENSEIGNEMENTS

Il faut pouvoir aider les troupes qui reviendront un jour libérer notre pays de l’envahisseur. Elles auraient nécessairement besoin d’hommes comme eux, pour en chasser l’allemand. Et pour les chasser, il faudra avoir des armes et des munitions. Les troupes françaises dans leur débâcle se sont délestées dans la forêt de l’Isle-Adam d’une partie de leur armement: «Il y en avait partout, dans tous les coins et sur tous les chemins». Il faut aller les chercher et les ramener dans une cachette sûre, jusqu’au retour des libérateurs. Entreprise téméraire et fort risquée, car les soldats ennemis sont partout. S’y prendre de nuit est impossible car il y a le couvre-feu à partir de huit heures du soir et tout le monde doit être rentré: les patrouilles allemandes sillonnent les rues de la ville. La détention d’armes est punie de mort.


Le stratagème utilisé par les jeunes est ingénieux. Les armes et munitions trouvées en forêt sont stockées provisoirement dans un blockhaus abandonné à côté d’Auvers sur Oise, proche de la rivière. Ensuite, sous couvert de faire du canotage et du sport nautique, elles sont ramenées au fond des bateaux jusqu’au hangar de la Société Nautique, situé sur le chemin de halage à Pontoise. De là, le transport s’effectue à bicyclette. Les armes et munitions sont entourées de chiffons ou de vieux journaux et fixées sur les porte-bagages. C’est terriblement risqué. S’ils sont pris, ils sont immédiatement fusillés.


«Nous avions une sacrée trouille quand nous passions au nez et à la barbe des allemands. Ils étaient partout....Si l’un d’entre eux nous avait arrêté pour nous demander ce que nous avions sur nos vélos et nous avait demandé de défaire le papier, nous étions foutus!». Les armes sont d’abord déposées dans le garage du Docteur Butin, où elles sont nettoyées, graissées avec la graisse de l’auto du Docteur, enveloppées dans des bandes de papier ou de tissu. Les fils du Docteur Butin, Pierre et Jean, font parti de la bande. Ils ne savent pas que leur père est lui-même un vrai résistant et qu’il dissimule tout un arsenal chez lui. Ensuite les armes et les munitions sont transportées chez Jean-Claude Chabanne où elles sont enterrées dans le jardin de ses parents.


Aérodrome de Cormeilles en Vexin      munitions dans les bois
Aérodrome de Cormeilles en Vexin                        L'une des soutes àmunitions dans les bois
Crédit photo: Cédric Lemonnier

Les réunions secrètes du groupe d’amis ont lieu chez Pierre Bélier, dans l’appartement qui surplombe le garage de la propriété de ses parents, mais aussi chez Jean-Paul Soutumier qui, handicapé, ne peut se déplacer. Lors d’une de ces réunions, Jean-Claude Chabanne engage son groupe à la recherche de renseignements sur l’aérodrome de Cormeilles en Vexin qui a été complètement réaménagé par les allemands pour en faire un important aérodrome militaire. Ils ont fait construire des hangars, des ateliers, avec des citernes d’essence et des soutes à munitions enterrées. Ces infrastructures sont dissimulées des bombardements anglais par un faux village dessiné et peint sur des toiles tendues sur des armatures. Il connaît un jeune homme de Pontoise de milieu très modeste qui y travaille comme menuisier. C’est Jacques Tête. Jean-Claude lui demande de faire le plan de l’aérodrome, pour le donner à «son chef», un certain «capitaine Jean» qui pourrait fort bien être Jean Halotier, l’architecte Pontoisien. Il n’est pas impossible que le groupe Chabanne se soit rapproché d’un réseau organisé de Résistance en contact avec le service de renseignements anglais, le SOE, puisque Fabrice Bourrée note dans son livre «De jeunes pionniers de la Résistance à Pontoise: Le groupe Chabanne« qu’il a retrouvé une attestation d’appartenance à ce groupe dans les dossiers de Lucien Francia et Jacques Martineau. L’abbé Joseph de la Martinière note également dans ses recherches historiques l’appartenance d’Eric de Martimprey au réseau Armée Volontaire. Ce qui est sûr, c’est que Jean Halotier a su disparaitre dès les premiers ennuis du groupe Chabanne. Bon réflex de professionnel.


TRAHIS ET VENDUS PAR LA POLICE FRANCAISE

Les allemands à la fin 1941 ont ramassé toutes les armes et munitions qui se trouvent sur les chemins et dans la forêt. Paul Thueux est chargé par Jean-Claude Chabanne de trouver un moyen pour compléter l’arsenal d’armes du groupe.


«Pendant un cours de dessin industriel mon copain, Pierre Teuf me dit qu’il fait partie d’un réseau débutant de Résistance à Paris. Je lui avoue mon gaullisme et mes forts sentiments antiallemands. Je lui confie qu’avec un certain nombre de mes amis nous cherchons des armes. Hélas cette conversation est écoutée par deux «bons copains» dont je ne me m&ecute;fie pas, Hervé Cosmao et Jacques Roybon qui se disent sympathisants de notre cause et font leur offre de service pour nous fournir des armes. Ils allaient souvent à Montmartre où, nous disaient-ils, ils connaissaient des malfrats qui faisaient du march&ecute; noir. Ces gars du milieu avaient des armes car ils braquaient des magasins. On devait pouvoir s’en procurer par leur intermédiaire».


Hervé Cosmao et Jacques Roybon ont été pris par la police en train de faire du marché noir. Les agents de la GFP, service anti-terroriste de l’Abweh, les ont «contraints» à travailler pour eux. «Contraints» n’est peut-être pas le mot exact puisque Hervé Cosmao a été suivre un stage de trois mois à Bruxelles avec eux. C’est un individu de moralité douteuse qui ira même trouver la tante de Paul Thueux, chez qui il avait été invité un jour, pour lui dire qu’il est responsable de l’arrestation de son neveu et il lui demande de l’argent pour le faire libérer. Les agents du GFP, leurs deux indicateurs, avec l’aide de quatre inspecteurs de la Préfecture de Police de Paris, messieurs Batut, Debernardi, Cointre et Savary, vont tendre un piège à Paul Thueux et à Jean-Claude Chabanne. Ils remontent très facilement la filière de ces Résistants amateurs.


Paul Thueux est arrêté le samedi 13 décembre 1941. Avec son jeune camarade d’école, Maurice Fouque, de Saint-Ouen l’Aumône lui aussi, ils ont décidé de s’offrir à midi le luxe d’un repas au restaurant car ce jour-là ils ont «un peu de sous». Ils vont déjeuner au restaurant «La Bière», boulevard Barbès. Paul Thieux raconte : «A peine avons-nous commandé des huîtres que surgit Hervé Cosmao affolé car, dit-il, Jacques vient de l’appeler au téléphone. Il se sent suivi et a peur d’être arrêté et, ajoute-il, il a entendu un bruit de chute et une exclamation, il a bien l’impression que Jacques vient d’être arrêté. A ce moment-là, un type qui venait de rentrer me met un revolver sous le nez et me dit: Lève-toi! Je me lève et on me menotte. Je me suis dit qu’Hervé avait vu juste, d’autant plus qu’il est arrêté lui aussi. A ce moment-là, j’étais loin de me douter qu’il jouait un double jeu et son copain aussi».


Un des policiers français menace de mort le pauvre Maurice Fouque s’il parle de cette scène. Celui-ci est tellement terrifié, car il n'est pas au courant des activités de son ami Paul, qu’il rentre aussitôt pour Saint Ouen l’Aumône et reste comme paralysé dans son lit pendant deux jours.


ARRESTATION,EMPRISONNEMENT ET TRIBUNAL MILITAIRE

Du 13 au 15 décembre 1941, l’arrestation des membres du groupe Chabanne par la police allemande du service de sécurité de Maison Laffitte, SD pour Sichereistsdient, se poursuit: Pierre Butin, Eric de Martimprey, Edgard Sicaut, Maurice Salaün, Jean-Paul Soutumier, Paul Lefort, Pierre Scheringa, Jacques Tête, Pierre Vogler et son père René, Jacques Martineau, André Gaudinat, Pierre Germond. Lucien Francia se rend de lui-même à la police, pour éviter des représailles vis à vis de son entourage.


Le 15 décembre 1941, Jean-Claude Chabanne est arrêté à la gare Saint-Lazare par la section anti-terroriste de la police judiciaire. Au cours de ses interrogatoires au Quai des Orfèvres, la police française ferre le petit poisson bien inoffensif qu’elle a réussi à faire mordre à son hameçon en lui faisant croire que son engagement éviterait pour les autres des conséquences dramatiques.


En attendant leur procès, ils sont incarcérés à la prison de Fresnes. Paul Thueux témoigne des conditions de cette détention. Il n’y a que lui que nous pouvons faire témoigner puisque c’est le seul survivant du groupe: «Nous avons été arrêtés les uns après les autres, du 13 au 15 décembre 1941. Nous ne savions pas ce qui se passait car nous étions enfermés au secret, chacun dans une cellule de la prison de Fresnes, dans le Sud de Paris. C’était une prison très importante et, à l’époque, la prison la plus moderne de France. Les cellules étaient grandes avec de larges fenêtres que les allemands avaient clouées pour ne pas qu’on puisse les ouvrir. Evidemment, il y avait des barreaux à ces fenêtres. Dans les cellules, le luxe pour l’époque, il y avait un vrai water avec chasse d’eau et un robinet d’eau pour la toilette. Il y avait aussi une chaise attachée au mur par une chaîne et une table basculante, attachée elle aussi. Et aussi un lit en ferraille, attaché également, sur lequel il y avait une paillasse. Un espèce de sac avec de la paille qui était certainement là depuis l’inauguration de la prison, car elle n’était plus épaisse du tout. Elle avait été broyée par les gens qui, les uns à la suite des autres, avaient couché dessus. Nous étions donc chacun dans une cellule individuelle… J’ai parlé avec beaucoup d’amis qui ont été emprisonnés et mis au secret comme moi. Ce qui est curieux, c’est que nous avons presque tous eu le même geste en arrivant dans la cellule. Dès que la porte a été refermée, nous avons fait le tour, nous avons regardé, inspecté. Nous nous sommes dits : «Mince, la fenêtre ne s’ouvre pas !». Nous avons constaté qu’il y avait un système d’aération en haut, etc….Puis avec un bout de crayon, si nous avions de quoi écrire, ou même avec notre ongle, nous avons commencé à faire un calendrier sur le mur. C’est un reflex curieux que tous les prisonniers ont, quand ils sont seuls, de façon à savoir au fil des jours où ils en sont. On fait une croix sur le mur avec la date d’arrivée. Je suis arrivé à Fresnes aux alentours du 15 ou du 16 décembre. J’ai fait ma croix sur un mur déjà recouvert de graffitis et j’ai marqué la date, disons du 15 décembre. Tous les matins, la première chose que je faisais en me levant, c’était de faire une croix ou un trait supplémentaire. Tous les dimanches, je faisais une croix au lieu d’un trait. Cela semble alors très important de savoir quel jour vous êtes. C’est un moyen de garder les repères. Et c’est tellement important que nous l’avons tous fait!».


Mais dans cette prison de Fresnes Jean-Paul Soutumier, qui vu son état de santé, a été conduit à l’infirmerie, y bénéficie d’un traitement de faveur. Voici le témoignage du Docteur Lucien Diamant-Berger, qui tout en y étant prisonnier, s’occupe officieusement de l’infirmerie et a bien connu Jean-Paul (1) : «J’occupais mes loisirs assez facilement, car les A.A.[quartier de la prison réservée aux Français condamnés par les Autorités allemandes] en traitement avaient alors obtenu d’un personnel particulièrement bienveillant, le privilège d’avoir leurs cellules ouvertes. Nous pouvions donc communiquer entre nous à longueur de journée. Le soir nous étions fermés, mais nous avions de la lecture à profusion.». Dans l’établissement pénitentiaire, les cellules de l’infirmerie ne possèdent pas d’eau courante et les waters étaient remplacés par des seaux hygiéniques.


Paul Thueux dit que le plus dur pour lui dans cette prison était de «crever de faim» : «Nous avions tous faim. Faim à en avoir mal au ventre, faim à en pleurer. C’est vrai, j‘ai pleuré de faim ! J’ai même ouvert ma paillasse et j’ai bouffé de la paille. Voilà, comme des vaches ! En mastiquant longtemps, cela finissait par passer et cela calmait la faim.».


Intérieur d’une chambre de l’infirmerie           galerie intérieure d’un des trois bâtiments
Prison de Fresnes – Intérieur d’une chambre de l’infirmerie et galerie intérieure d’un des trois bâtiments

A l’infirmerie, le traitement semble un peu meilleur que celui décrit par Paul Thueux, pour les cellules d’isolement. Lucien Diamand-Berger, nous en donne le témoignage suivant (1) : «[Le matin] Quand la cellule était à peu près rangée et balayée, l’heure arrivait de la distribution du pain. Chacun recevait sa demi-boule, soit environ 400 grammes d’un pain noir, humide, mauvais, indigeste. Vers dix heures et demie, c’était la soupe. On désignait sous ce nom une demi-gamelle de ce même liquide tiède que j’avais dégusté à mon arrivée, et qui nous désaltérait, faute de nous apporter quoique ce soit de nutritif, à proprement parler. Vers deux heures arrivait le plat de cantine, en général une assiette de pommes de terre. C’était l’heure de notre seul repas réel…. Vers cinq heures était servie la soupe du soir, un peu plus abondante que celle du matin, et qui contenait parfois quelques débris de légumes… C’était tout jusqu’au lendemain.».


Au mois de janvier 1942, tous ceux du groupe Chabanne sont jugés par le tribunal militaire de la Feldkommandantur 758, de la rue Boissy d’Anglas à Saint-Cloud. Les archives allemandes du procès ont été détruites, mais messieurs Couriol et Dubreuil du CERN ont pu au printemps 2008, en obtenir le récit de Paul Thueux : «A l'aube du 16 janvier 1942, je découvre pour la première fois le tribunal de Saint-Cloud où siège le tribunal militaire allemand avec la quinzaine des autres jeunes gens. A leur arrivée, nous avons pu apercevoir nos parents dans le hall du tribunal, avant d'entrer dans la salle. Un avocat se présente comme maître Bucholz, chargé de mon dossier, il est plutôt rassurant. Le président entre, rassurant lui aussi. Après quelques parlottes en allemand avec ses assesseurs, il ordonne de faire sortir Martineau, Sicot, Lefort et Salaün qui rejoignent leurs parents dans le hall. Le président demande ensuite aux autres s'ils ont mangé. Non! Furieux il leur fait servir du café et du pain avant de commencer le jugement - attitude de bon augure. Maître Bucholz et l'avocat de Butin plaident. Je ne comprends pas l'allemand aussi bien que trois ans plus tard mais mon avocat me chuchote qu'ils viennent d'obtenir l'annulation de l'accusation de «constitution de groupe de francs tireurs.».


Débute l'interrogatoire de Chabanne. Sur une table sont déposées beaucoup d'armes et de munitions toutes rouillées. Elles ont de toute évidence séjournées en milieu humide. Je devine que Chabanne n'a pas dû montrer celles que nous avons si bien bichonnées et enterrées dans le jardin. Le Président fait préciser à Jean-Claude ce qu'il a déjà dit lors de son interrogatoire. Il répète qu'il est le seul responsable.


Lorsqu'un assesseur va sortir un grand rouleau de papier blanc, nous allons connaître de grandes émotions. Il le déroule devant la cour sur la table du Tribunal et ces messieurs se penchent dessus, loupe à la main. Le Président lit ce qui est écrit :

« ici sont enterrés à 10 mètres de profondeur des réservoirs très importants »,

« Ici, très profond, une casemate pour munitions »,

« Derrière cette église en bois et toile se cachent des hangars très bas de béton très épais. Renseignements communiqués par Tête». Ceci revient plusieurs fois. Jacques Tête a travaillé aux échafaudages de la fausse église,

« ici…»,

« ici…».

La litanie de la lecture du plan va durer une bonne heure. Je suis atterré par tant d'erreurs qui vont nous coûter à coup sûr fort cher.

Lorsque le Président demande à Vogler d'où lui vient ce très beau fusil ce dernier répond «Scheringa me l'a donné ».

C'est au tour de Pierre Butin. Pierre se défend en accusant de complicité un certain Jacques Fournier mort depuis peu, il nie être l'adjoint de Chabanne.

Eric de Martimprey, lui, tient à se défendre en allemand, langue qu'il étudie en classe préparatoire à Saint-Cyr. Il fait une belle envolée lyrique sur le fait que, préparant l'entrée à St-Cyr, il a prêté serment au Maréchal: «Je suis innocent de ce dont on m'accuse» dit-il. Les allemands le croient. Il sera acquitté.

Jean-Paul Soutumier, chez qui nous nous réunissions souvent, car lui-même pratiquement infirme ne pouvait se déplacer, sera aussi acquitté car il était dans l'incapacité de transporter des armes.

Durant l'interruption du midi, les prévenus peuvent retrouver leurs parents et manger un casse-croûte avec eux. J'aperçois Chabanne discuter de façon très animée avec son père, je me précipite pour lui expliquer comment Roybon et Cosmao les ont trahis, mais une sentinelle me l'interdit.

Le procès reprend l'après-midi et dure jusqu'au soir. Lucien Francia qui travaille à l'imprimerie La Chèvre à Pontoise, accusé de fabrication d'ausweis (laissez-passer) dit qu'il a imprimé un modèle auquel il n'a rien compris, ne connaissant pas l'allemand.

Je reste sur ligne de défense exprimée lors de mon interrogatoire par la BS: j'ai fait un peu de marché noir pour me procurer de l'argent.

A 21h le verdict tombe :

Chabanne: 3 condamnations à mort pour détention d'armes, constitution de groupe de Francs Tireurs et espionnage,

Vogler : deux condamnations à mort pour détention d'armes et constitution de groupe de Francs Tireurs,

Tête : une condamnation à mort pour espionnage,

Butin est condamné à quatre ans de réclusion,

Je prends 2 ans,

Francia 6 mois

Et Scheringa de Cergy qui avait aidé son ami Vogler à 2 mois,

Martimprey et Soutumier sont acquittés, mais rejoignent néanmoins la prison de Fresnes ».

Martineau, Sicaud et Salaün bénéficient d'un non-lieu et sont libérés sur le champ».



Photo du groupe Jean-Claude Chabanne

Mais à part Jacques Martineau, Edgard Sicaud et Maurice Salaün qui ont bénéficié d’un non-lieu du tribunal et ont été libérés sur le champ, tous ces jeunes gens ne sont pas au bout de leurs peines car les procédures NN, Nacht und Nebel ou Nuit et Brouillard, édictées par le Fürher sont applicables dans notre pays pour les français depuis le 7 décembre 1941. Des procédures expéditives qui visent à l’élimination des opposants au régime Nazi lorsque des condamnations à mort ne peuvent pas être prononcées ou exécutées. L'intéressé est alors déporté en Allemagne pour y être interné dans un Konzentrationslager (KL), c'est-à-dire un camp de concentration, sous le sigle NN. En fait, il est condamné à mourir d'épuisement par le travail et les mauvais traitements. Nos jeunes pontoisiens seront exécutés le 27 février 1942 ou comme Pierre Butin fusillé le 12 mai 1942 après avoir été désigné comme otage pour l’assassina d’un général allemand à Caen. Les autres sont déportés vers les camps d’extermination. C’est ce qui explique l'aberrant maintien en prison de Jean-Paul Soutumier et d’Eric de Martimprey, pourtant acquittés. Les jeunes gens sont donc renvoyés à Fresnes, remis au secret afin d'être rejugés plus tard. Les visites des parents sont supprimées ainsi que la réception des colis. Le 4 novembre 1942, Lucien Francia et Eric de Martimprey partent pour l'Allemagne. Huit jours après, le 12 novembre, Paul Thueux, Pierre Scheringa et Jean-Paul Soutumier sont emmenés à la gare de l'Est puis mis dans un train ordinaire. Les prisonniers occupent un wagon entier. On les menotte dans l’un des compartiments. Les sentinelles allemandes montent la garde en faisant les cent-pas dans le couloir. Pour éviter qu’ils ne tentent de s‘échapper en cours de transfert, leurs gardiens leur disent qu'ils partent dans un camp de jeunesse où ils pourront reprendre leurs études, et pour ceux qui n'étaient pas étudiants apprendre un métier. Ils ne se doutent pas que ce voyage les conduit en l’enfer. Car l’enfer sur terre cela existe…


LA DESCENTE AUX ENFERS

Le train les amène à la prison de Trèves pour un transit de deux jours. Ils y sont désinfectés. Leurs habits sont mis dans des sacs et sont passés à l’autoclave. Ils reprennent ensuite le train pour le village de Reinsfeld, où on les fait descendre sans ménagement. Ils rejoignent à pieds, à marche forcée, le Sonderlagerd d’Hinzert distant de 7 kilomètres. Le camp d'Hinzert est un camp très spécial, qui servait à endurcir à l'extrême les SS chargés de diriger ultérieurement les camps d’extermination. Prévu théoriquement pour accueillir 560 personnes, entre 1.200 et 1.600 personnes s’y entassent dans des conditions sanitaires horribles où puces, poux et cafards règnent en maîtres. C'est là que Jean-Paul et ses compagnons retrouvent leurs camarades Lucien Francia et Eric de Martimprey partis plus tôt. L’enfer, ils le découvrent dès leur arrivée dans ce «camp de jeunesse» promis par les allemands. Paul Thueux en parle ainsi : «On est arrivé dans un camp de concentration, un vrai, avec la schlague, avec des coups, etc… Nous avons été accueillis à coups de jets d'eau de lance d'incendie, en plein hiver. Dans un endroit situé entre le Luxembourg et la France, à côté de la ville allemande de Trèves. Au mois de novembre, dans ce coin, il ne fait bigrement pas chaud! Voilà notre premier transport. Ils nous avaient fait miroiter cette histoire des camps de jeunesse pour que nous n'ayons pas envie de nous évader. S'ils nous avaient dit qu'ils allaient nous faire crever de faim, peut-être certains d'entre nous auraient essayé de s'évader.».


En effet au camp de Hinzert, la discipline est très dure: il est interdit de parler dehors, interdit de marcher. Il faut courir! Courir toujours, même pour accomplir les formalités d’arrivée qui se font dans une vaste cour avec, aux quatre coins, le coiffeur, la douche, la délivrance de numéros d’inscription et l’attribution des tenues rayées. Ils courent sans cesse autour de cette place et au vol, ils sont attrapés pour passer à la douche, pour aller chez le coiffeur, jusqu’à ce que tout le monde soit passé. Courir pour Jean-Paul qui est handicapé doit être un calvaire!


Et tous les jours, il y a ces appels interminables sous la pluie, dans le vent, dans le froid qui atteint jusqu’à -20°C. Ils peuvent durer jusqu’à deux heures. Tous les jours les détenus sont obligés de passer à la douche froide, même lorsqu’il gèle à pierre-fendre. Il y a les mauvais traitements continuels, la faim, le froid, la maladie, le sinistre et sadique Oberscharführer Georg Schaff, surnommé Ivan le Terrible, qui est le plus épouvantable des gardes-chiourme et la terreur des détenus.


SS avec leurs officiers posant pour la photo devant l’un des baraquements du camp de concentration de Hinzert
SS avec leurs officiers posant pour la photo devant l’un des baraquements du camp de concentration de Hinzert

Fin janvier 1943, les survivants du groupe Chabanne sont transférés un peu plus au nord à la forteresse de Diez sur Lahn. Cette prison, située près de Coblence est une prison de prévention pour les hommes classés NN venant d’Hinzert et qui doivent être jugés au tribunal de Cologne. Eric de Martimprey ne les rejoint le 2 février. Les cellules sont minuscules et sans chauffage, on est en plein hiver et ils sont terriblement affaiblis par les mauvais traitements subits pendant quatre mois. A leur misère physique, s’ajoute la misère morale de l’isolement total auquel ils sont maintenant confrontés. Jean-Paul essaie de communiquer en tapant contre les murs. Par chance, Paul Thueux occupe la cellule voisine. Ils inventent un système de communication recréant l'alphabet morse à partir de la structure du jeu d'échecs.


Intérieur des baraques du camp de Hinzert           Vue du camp de Hinzert
Intérieur des baraques du camp de Hinzert                                                                   Vue du camp de Hinzert

Et les jours passent, les semaines passent, les croix s’ajoutent aux bâtons sur les calendriers griffonné sur les murs. Paul Thueux qui n’était pas handicapé pouvait, lui, se hisser jusqu’à la petite fenêtre en partie haute de sa cellule et s’y maintenir pour regarder à l’extérieur. Par ces fenêtres à la belle saison, ils peuvent entendre les meuglements des animaux et respirer les odeurs de la campagne environnante. Sensations fugitives et chargées d'émotion qui les rattachent au monde normal. Eric de Martimprey, déjà très affaibli lors de son arrivée à la prison, voit son état empirer. Le médecin SS refuse de le soigner. Le 2 septembre 1943, il meurt de tuberculose. En octobre 1943, ils sont envoyés par wagons à bestiaux dans l'Est de l'Allemagne nazie, à Brieg sur Oder, en haute Silésie. Le voyage en wagon à bestiaux est une épreuve redoutable. Paul Thueux la décrit ainsi : «Dans les wagons à bestiaux, ce n'est pas marrant parce que l'on a froid lorsqu'il fait froid ou trop chaud lorsqu'il fait chaud, que l'on est serré (au lieu de trente ou quarante on est cent cinquante), que l'on ne peut pas s'allonger ou s'asseoir. On ne peut que s'accroupir en essayant de ne pas prendre trop de place parce que les copains en font autant devant, à droite, à gauche. Certains ne peuvent s'accroupir et restent debout. Il y a toujours forcément des gars qui sont malades, des gars qui ont la chiasse, des gars qui dégueulent. Tout cela complique les choses. Evidemment les ouvertures sont fermées, clouées. Cela c'est le wagon à bestiaux…Cela, on en parle. Mais il y a des choses dont on parle beaucoup moins ou pas du tout et qui sont peut-être plus terribles encore…».


La prison de Breslau (Wroclaw) en Pologne           La prison de Breslau (Wroclaw) en Pologne
La prison de Breslau (Wroclaw) en Pologne

L’automne arrive et l’Allemagne a besoin de main d'œuvre après les récoltes, aussi Lucien Francia et Paul Thueux sont envoyés pour deux mois au commando de Löwen pour travailler dans une sucrerie. Le travail terminé, les deux jeunes gens retournent à la prison de Brieg sur Oder. Ils y retrouvent Jean-Paul Soutumier et Scheringa.


Jean-Paul est complètement transformé physiquement et moralement. Paul Thueux témoigne de ces retrouvailles : «Lui qui était bloqué par un corset et n'arrivait à marcher qu'avec une canne, il pouvait maintenant courir…Ce protestant s'était converti au catholicisme. Il tenta même de s'évader!». Paul Thueux nous dit qu’il fut très vite rattrapé, battu, privé de nourriture et mis au mitard, d’où il en ressortira dans un état lamentable. Quant à Scheringa, ce garçon si fort de caractère, il ne parvient pas à se soumettre à cet esclavagisme et à la brutalité permanente. Il finit par en perdre la raison. Les trois rescapés du groupe Chabanne ne le reverront plus. Nous savons cependant qu’il a été transféré de Brieg à Gross-Rosen et qu’il est mort dans ce camp.


En mai 1944, Jean-Paul Soutumier aurait été transféré à Breslau (Wroclaw, en Pologne), dans les souterrains de la prison. Un univers sordide, décrit ainsi: «La mort à tous les pas, les rats, les puces, les punaises, les morpions…». Puis de Breslau, il est emmené à la forteresse de Dresde. Il semblerait qu'il ait été rejugé par le Tribunal du Peuple à Dresde le 15 juin 1944, mais aucune trace de son dossier n’a pu être retrouvée. Il y aurait été condamné à une peine de 4 ans de réclusion.


Lucien Francia aurait eu 6 ans de réclusion et Paul Thueux aurait été condamné à une peine de travaux forcés de 12 ans.


Après ce second jugement, Jean-Paul Soutumier et ses camarades sont renvoyés à Breslau. Durant le voyage de trois jours et demi, ils passent par Berlin, où ils subissent le bombardement de leur prison, enfermés dans leurs cellules, impuissants et morts de peur. Là encore, Paul Thueux raconte: «On m'avait mis dans une cellule de la prison d'Alexanderplatz, une petite cellule dont les murs étaient lézardés parce que, la veille, des bombes étaient tombées sur la prison, notamment sur l'aile occupée par des femmes. Quatre cents d'entre elles avaient été tuées dans ce bombardement dont une trentaine de Françaises…. On me met donc dans cette cellule qui était toute petite, à peu près deux mètres sur deux. La porte avait explosé sous l'effet d'une bombe deux jours auparavant et avait été réparée avec des planches clouées en travers et dans tous les sens. Je suis là dedans sans rien du tout…. Il n'y avait rien non plus dans la cellule, seulement un bat-flanc, c'est-à-dire une planche de deux mètres de long sur soixante-dix centimètres de large attachée au mur. Je me suis allongé dessus, il n'y avait pas de paillasse ni de couverture, pas de verre, pas d'eau : rien ! Le soir on m'a donné une soupe que j'ai bue dans la gamelle car il n'y avait pas de cuillère. Et les bombardements n'ont pas cessé de toute la nuit. A nouveau les bombes sont tombées sur la prison. Je me sentais piégé comme un rat dans une ratière. J'étais là dans ce petit local avec les bombes qui tombaient autour de moi. C'était horrible ! J'ai subi des bombardements plusieurs fois, mais libre de pouvoir bouger parce que j'étais dans un bois ou sur un terrain. Alors quand les bombes tombent à droite vous courez à gauche, quand elles tombent derrière vous, vous courez devant. Mais quand vous êtes enfermé dans une petite cellule vous avez l'impression d'être piégé ! Vous vous dites : c'est forcé, une bombe va finir par me tomber dessus et je ne peux pas bouger. C'est horrible la sensation d'être enfermé, comme attaché, sous les bombes. Ce que j'ai pu frissonner et avoir peur. On a souvent peur et il vaut mieux le dire. C'est idiot de dire: je n'ai jamais eu peur. J'ai eu peur, vraiment peur, plusieurs fois! Peur à trembler!».


A Breslau, Jean-Paul Soutumier est séparé de ses fidèles amis. En juillet 1944, physiquement et moralement exténué, il serait reparti à Brieg sur Oder. C’est dans la prison de Brieg que décèdera son ami Lucien Francia le 10 octobre 1944, des suites de vieilles blessures infligées à coups de pied par un kapo et jamais soignées. Jean-Paul sera ensuite transféré à Gross-Rosen, mais l’on ne retrouve pas trace de son convoi dans les archives. Le camp de Gross-Rosen un vaste quadrilatère de barbelés électrifiés qui entourent deux rangées parallèles de baraques faisant face à une vaste place d'appel. En face se trouvent les bâtiments des SS et des services, ainsi que le Bunker avec, en retrait, le four crématoire. L'originalité du KZ de Gross-Rosen réside dans la présence, sur la place d'appel, d'un curieux campanile supportant une cloche. C'est cette cloche qui rythme la vie des détenus, sonnant les rassemblements, les mouvements, les couvre-feux, ainsi que les exécutions.


L’entrée du camp de Gross-Rosen
L’entrée du camp de Gross-Rosen


Le camp de Gross Rosen Carrière

La vie humaine n'a plus de valeur à Gross-Rosen. Marc Klein, qui arrive pourtant de l'enfer d'Auschwitz, témoigne : «Nulle part je n'ai vu assassiner individuellement avec autant de dextérité qu'à Gross-Rosen. L’assassinat était pratiqué sans scrupule, par les kapos, par la Lagerpolizei, par les SS munis de cannes. C'est avec une habilité consommée qu'ils arrivaient à abattre un homme en deux ou trois coups. Le camp était jonché de cadavres de camarades épuisés, tombés dans la neige ou liquidés d'un coup de canne.».


Ce qui tient lieu d’infirmerie, le Revier abréviation de l'allemand Krankenrevier ou dispensaire, n'est pas épargné par cette folie meurtrière comme en témoigne le récit de Bernard Klieger: «Une véritable usine d'assassinat fonctionnait à l'infirmerie du camp de quarantaine. Les malheureux qui s'y faisaient admettre, malgré et contre toutes les recommandations, étaient retrouvés le lendemain morts devant la sortie (je suppose qu'on y opérait avec des piqûres intraveineuses de substances toxiques). Comme seul moyen de couchage pour les malades, il y avait une litière de foin par terre. J'ai pénétré une fois dans cette espèce d'étable sous prétexte de chercher un analgésique, en ma qualité de médecin. J'ai compris que je venais de faire un faux pas, mais j'ai pu me dégager.».


Se dégager, ce ne fut pas le cas pour Jean-Paul Soutumier qui servit de cobaye humain à des médecins allemands indignes et sadiques. Jean-Paul Soutumier, selon le Docteur Lucien Diamant-Berger(1), aurait été tué par une injection cardiaque de benzine, le 3 janvier 1945, ce que nous a confirmé Paul Thueux. Nous n’en savons pas plus, mais l’ancien menuisier Josef Klehr, qui servait d’infirmier, décrit la procédure mise en place à Auschwitz: «(les détenus) entrent nus, les uns après les autres, dans la petite salle de soins, juste à gauche de l’entrée…[]… Le détenu devait ensuite s’asseoir sur une chaise. Je palpais la cage thoracique du détenu, là où devait être pratiquée l’injection, puis je plongeais directement l’aiguille de la seringue dans le cœur. […] L’assistant infirmier tenait à peine le détenu, juste pour qu’il ne tombe pas de sa chaise après sa mort. Chaque fois, les victimes doivent mettre un bras sur la nuque, et l’autre sous l’omoplate. Parfois, l’infirmier maintient aussi le bras gauche du détenu sur sa bouche. Cela l’empêche de crier et libère la région du cœur.».









Jean-Paul Soutumier meurt le 3 janvier 1945, dans cet enfer. Jean-Paul Soutumier meurt le 3 janvier 1945, dans cet enfer.


EPILOGUE

C'était il y a plus de soixante ans, ces jeunes gens en avaient à peine vingt. Ils avaient su, mieux que beaucoup d'adultes, refuser la défaite, osé espérer contre tout espoir, fait le choix d’un combat inégal contre la barbarie de l’envahisseur. Pour eux, c’était un engagement volontaire, viscéral, instinctif. Imprudents, naïfs, inexpérimentés, ils osaient affronter l’une des polices secrète des plus professionnelles, des plus dures et des plus perverses. Ils furent trahis par la police française de Vichy à la solde des Nazis. Le sort de Jean-Paul Soutumier après son arrestation fut celui réservé aux autres membres du groupe Chabanne. S'appuyant sur de nombreux témoignages vécus, ce récit raconte ce qu'ils ont fait et ce qui leur est arrivé. Ils furent trompés, trahis, livrés sans état d’âme à leurs tortionnaires allemands, torturés, déportés et tués.


La ville de Pontoise rendit hommage à l’héroïsme de Jean-Paul Soutumier, en donnant son nom à l’une de ses rues.


Notre village de Bessancourt, où il habitait chez ses parents, l’a toujours ignoré, même lorsque notre père et nos oncles étaient au Conseil Municipal. Nombreux sont ceux qui, encore aujourd’hui et il y en a parmi nos amis, ne peuvent pas comprendre ou admettre que l’on peut sacrifier sa vie pour la liberté. Dernièrement la commune finança une enquête et fit imprimer un fascicule sur la dernière guerre et la libération dans notre village. Pas un seul mot sur les Bessancourtois martyrs de la Résistance, pas une seule ligne sur l’un de ses enfants, résistant de la première heure, Jean-Paul Soutumier. Et comme le dit Jean-Paul Auger avec beaucoup d’amertume et de rancœur, si l’un des derniers noms gravés sur le monument aux morts est le sien, c'est parce qu'on l’avait tout simplement oublié!



Pour Paul Thueux, le seul qui réussissait par miracle à revenir de cet enfer, le plus dur commençait après sa libération: il subit l’infâme accusation d’avoir trahis ses amis. Ce n'est que dernièrement, soit soixante ans après, que grâce aux recherches d’un historien, Monsieur Fabrice Bourrée, et à l’obstination d’une femme, Madame Annie Delpech du Centre de Recherche Nodot (CERN) de Cergy, que lui fut enfin rendu justice. Et encore, pas officiellement. Nos élus à l’heure où nous écrivons ce récit, députés et maires de Pontoise et de Saint-Ouen l’Aumône, refusent encore de lui rendre son honneur et de lui accorder, comme il avait été fait précédemment pour les autres membres du groupe, la médaille des villes de Pontoise et de St Ouen l'Aumône. Un geste symbolique pour réparer 60 ans de calomnie et d’erreur! L’indifférence, la couardise et le mensonge était déjà dénoncées le 14 février 1948 par Léon Chabanne, le père de Jean-Claude Chabanne, dans une lettre adressée au père de Jean-Paul Soutumier (2). Il appelait cela «le mur d’airain».


Courriel reçu le 4 janvier 2015
Nous le savions. Depuis plusieurs mois déjà, son état de santé ne laissait rien présager de bon. Néanmoins, il nous avait tellement habitué à de multiples rétablissements que nous finissions par penser qu’il resterait à nos cotés encore longtemps. Son désir de rester vivant était si ardent et lui avait permis par le passé de triompher de tant d’épreuves… Hélas, ce 1er janvier 2015, notre ami Paul a fini sa route. Notre vieux combattant a quitté paisiblement ce monde, entouré des siens dans un hôpital breton. Notre chagrin est sincère… Avec Paul disparaît le dernier témoin direct et un acteur important de l’élan patriotique des jeunes pontoisiens et saint-ouennais réuni autour de J-C Chabanne au début de l’Occupation.
Paul, c’était une mémoire essentielle et exigeante qui avait au cours des années recueilli une masse de documents sur cette époque. Il n’avait jamais accepté l’odieuse rumeur dont il fut si longtemps la victime et n’avait eu de cesse de réunir toutes les preuves attestant de sa bonne foi. Notre association a très vite épousé sa cause. Aussi, quelle ne fut pas notre satisfaction de voir ce 1er septembre 2013 Paul Thueux enfin honoré par la remise officielle des médailles de Saint-Ouen l’Aumône et de Pontoise. Plus d’un demi siècle de lutte pour arriver à cela. Non, Paul Thueux n’était pas un traître et ne pouvait être rendu responsable de la mort de ses camarades, lui qui avait survécu à treize prisons et camps de la mort nazis. Oui Paul Thueux a fait partie du « groupe des étudiants de Pontoise ». Aujourd’hui, en pensant à lui, c’est à une multitude de personnes à laquelle je pense. Ces personnes vivaient au travers des souvenirs de Paul qui étaient si précis qu’il nous semble les avoir toutes, nous-mêmes, intimement connues. Il y a par exemple celui de Pomme, l’amour de jeunesse qui sans le savoir contribua à lui sauver la vie ou bien encore la figure attachante de ce voisin de cellule, Gaby, qui n’avait pas pu éviter de parler sous la torture et qui pris de remords s’était suicidé…Et puis aussi, bien sûr, les figures admirables de ses camarades de détention et de déportation… que Paul a su faire revivre en acceptant de terminer la réalisation de son livre de souvenirs « Mensonges, rumeurs et silences ».
Nous te remercions, Paul, de nous avoir confié tous ces souvenirs si précieux.
De ceux-ci, nous sommes désormais les dépositaires. C’est un honneur mais aussi une lourde responsabilité. Paul Thueux continuera longtemps à occuper nos esprits. Puissent les édiles des deux communes de Pontoise et de Saint-Ouen l’Aumone tenir leurs promesses de lui attribuer prochainement le nom d’une rue. Nous y veillerons. Nous lui devons bien ça…
Les obsèques de Paul se dérouleront le mardi 6 janvier 2015 à 14h30 en la Cathédrale de Tréguier(22). Une cérémonie sera organisée ultérieurement au cimetière de Saint-Ouen L’aumône avec dépôt de l’urne funéraire dans le caveau familial. Nous vous tiendrons informés.

Jean-François Couriol, Secrétaire général du C.E.R.N.

ANNEXES

(1) Livre Prisons tragiques, prisons comiques, prisons grivoises de Lucien Diamant-Berger :

(2) Lettre de Léon Chabanne adressée au père de JC Soutumier le 14/02/1948.

BIBLIOGRAPHIE

Nous nous sommes toujours beaucoup amusés de voir en fin des livres ou des études, la liste des ouvrages que l’on a «pillés» pour écrire le sien. Nous ne manquerons pas à cette tradition:


. Récit enregistré et écrit par M. Alain Bony, professeur d’histoire et de géographie au collège de Courdimanche, lors d’un Forum avec M. Paul Thueux,

. De jeunes pionniers de la Résistance à Pontoise : groupe Chabanne, de M. Fabrice Bourrée, historien et chargé de recherches à l’Association pour les Etudes sur la Résistance Intérieure,

. Dossier Paul Thueux du CERN, écrit par Annie Delpech, ancien professeur d’histoire au collège Chabanne de Pontoise,

. Les déportés de répression partis de France : définition et connaissance, mémoire de Thomas Fontaine, doctorant à l’Université de Caen,

. Un parmi tant d’autres d’Henri Auroux, du réseau Louis Renard, déporté à Hinzert du 18/02 au 19/04/1943,

. Témoignages Strasbourgeois de Marc Klein,

. Le chemin que nous avons fait de Bernard Klieger,